Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les aventures de la Princesse
8 mars 2016

Jessica, 30 ans +1

Hier, c'était mon anniversaire.
J'ai eu 31 ans.

 

Il y a un an....
Il y a un an...

Si tu es bon en calcul, tu as compris qu'il y a un an, je fêtais mes 30 ans.

 

Bon, on dit souvent (si si, on le dit souvent) qu'un blog est une sorte d'exutoire, comme une catharsis des temps modernes. Soit.

 

 

 

Il y a un an, mon histoire commence sur une autoroute de France, retour d'une semaine de ski, direction la maison. Il y a mon amoureux qui conduit la voiture, et moi à côté qui navigue sur wikipedia pour raconter l'histoire de chaque aire d'autoroute (oui, les voyages sont absolument fascinants en ma compagnie). Jusqu'ici tout va bien. On est à la veille de mon anniversaire.

Aux abords d'une grande ville, mon amoureux m'informe que nous allons nous arrêter dans la prochaine grande ville pour fêter mon anniversaire au restaurant, puis y passer la nuit. Charge à moi et mon smartphone de trouver le couvert et le gite. Je me remets bien droite sur mon siège ; l'heure est grave. Il s'agit de trouver rapidement un bon plan, de cheker la réservation par téléphone, de retrouver les adresses pour les inscrire sur le gps de mon téléphone, le tout sur quelques kilomètres seulement.

Et comme tout smartphone à qui on demande plein de trucs en peu de temps, il se met à bouder et refuse catégoriquement de t'envoyer du réseau. En général, c'est aussi le moment où la batterie décide de se faire la malle.

Alors moi je panique. Mon amoureux est fatigué par la route, je sais que ça l'agace beaucoup quand je ne trouve pas quelque chose qu'il m'a demandé, d'autant que son ex aurait carrément assuré le coup, elle. Alors j'essaie de garder la tête froide et de lire attentivement les panneaux de sorties d'autoroute.

 

Voilà, on a loupé la sortie. J'ai les joues en feu et un sentiment cuisant de honte et d'échec. Mon amoureux ne dit rien. Il a juste soupiré et s'est mis à fixer la route. Je n'ose pas trop lui demander le programme désormais. Je me fais toute petite. J'ai raté.

Déjà que toute la semaine au ski, je l'ai ratée, à n'être jamais à la hauteur ; mieux vaut que je me taise.

Je regarde sur mon téléphone (qui a soudain retrouvé plein de réseau) la prochaine grande ville où s'arrêter. Il est tard. Il va falloir que l'on trouve un lieu où dormir avant que tout ferme. Mon gps ne m'indique que du vide. Du rien.

Je dis à mon amoureux d'une petite voix que bon, ben, pour mon anniversaire tant pis hein, mais surtout je n'ai aucune idée d'où on va dormir cette nuit... Il ne répond pas. Le silence s'installe ; moi je me sens nulle.

Soudain, ça s'agite dans tous les sens dans la voiture : devant nous, un mac do (et qui dit mac do, dit hotel formule 1).... et trois sorties d'autoroute. Il faut prendre la bonne. Mon amoureux me crie de trouver laquelle il faut prendre. Mon cerveau est sur off (surtout quand on crie) et je cherche vainement à activer mon gps pour trouver la réponse. Mon amoureux a du faire un choix tout seul, il a pris au pif et il a eu le nez fin.

Mon coeur bat à mille à l'heure ; je suis soulagée. On va avoir un lieu pour manger et dormir, et mon amoureux ne va pas me détester. Ouf !!!! Je ris aux éclats, je suis hystérique. Lui me dit de me calmer, qu'il faut vraiment que j'arrête de paniquer pour rien. Je me dis qu'il a raison, que je panique pour rien, et que ça me fait perdre mes moyens. Il a raison, de toute façon. Et je comprends son regard méprisant.

Il ne faut pas traîner, il est déjà tard, si on veut manger, il faut se décider sur le lieu où manger. On roule dans une sorte de zone industrielle : Quick, Mac Do, Courte-Paille.... On jette notre dévolu sur le Buffalo Grill. "On n'a pas tous les jours 30 ans !" a dit mon amoureux avec un clin d'oeil. J'ai ri. Je l'aime tellement quand il fait de l'humour, qu'il me taquine avec ce sourire.

Sur le parking, il en fait des caisses, comme si on allait au gastronomique. Je ris de bon coeur. Autant parce que je le trouve drôle que pour lui faire oublier à quel point il ne m'a plus aimée sur l'autoroute. Je veux qu'il m'aime à nouveau.

Le Buffalo est bondé. On a une petite table près d'une porte de sortie de secours, qui laisse filtrer l'air glacial sur ma nuque. Je suis frigorifiée. Mais je le tourne à la dérision ; je ne vais pas me plaindre en plus. Ca l'agacerait et il se fermerait.

Ca fait une semaine que je suis tendue. Que j'ai le sentiment de ne jamais être à la hauteur des attentes de mon amoureux. Ce soir, au Buffalo, c'est la première fois que je retrouve ce regard tendre qu'il peut poser sur moi. Je relâche doucement la pression.

Mais j'ai besoin de boire, malgré tout.

On commande un apéro, un menu et une bouteille de (mauvais) vin. "On n'a pas tous les jours 30 ans !" répète mon amoureux à chaque fois qu'on passe commande. Notre serveuse s'appelle Jessica. On la fait rire. Elle a face à elle un couple d'amoureux d'excellente humeur, prêt à blaguer avec elle. Lui est un beau mec, très charmeur et attentionné. Elle a un immense sourire et dévore des yeux son amoureux.

Rapidement, Jessica a appris que je fêtais mon anniversaire. Mes 30 ans, pour être plus précise. Je ne me souviens plus si je le lui ai dit, ou si c'est lui qui l'en a informée. Je me souviens juste que des rigoles de larmes coulaient sur mon visage, parce que je ne savais plus si je devais être heureuse ou si j'étais malheureuse. Je trouvais seulement cette situation pathétique ; j'en riais comme j'en pleurais.

J'avais 30 ans, je sortais de la pire semaine de vacances de ma vie, j'étais avec un homme que j'aimais profondément mais dont je doutais des sentiments, et nous étions à l'autre bout de la France, dans un Buffalo Grill au coeur d'une zone industrielle.

La viande était trop cuite et les frites semblaient en carton. C'était immangeable et je n'ai pas touché à mon assiette.

J'ai dit à mon amoureux que cette semaine avait été dure pour moi. Il m'a dit qu'il comprenait, mais qu'il fallait que je le comprenne aussi. J'ai essayé, et j'ai arrêté de me plaindre. Après tout, il me faisait rire. Alors j'ai décidé de rire. J'ai bu et j'ai ri. N'est-ce pas comme ça qu'on fête ses 30 ans ?

Nous finissions nos assiettes et le restaurant s'était vidé. Il ne restait que quelques tables éparpillées ; Jessica pouvait venir nous voir plus souvent. Elle a papoté avec nous ; je ne sais plus ce qu'on s'est dit, j'avais trop bu et pas assez mangé.

Soudain, la lumière s'est éteinte et une musique tonitruante de joyeux anniversaire a résonné. Deux serveurs sont arrivés à notre table pour déposer des brownies décongelés devant nous, avec la bougie qui crépite. Les serveurs, Jessica en tête, frappaient dans leurs mains au rythme de la chanson.

Je pleurais de rire. C'était surréaliste.

d594a4f3429a24fc4b39fe8bcdd9cef8

La lumière s'est  rallumée et les trainards des autres tables se sont mis à applaudir et à siffler.

Je pleurais de rire. C'était surréaliste. J'insiste.

On est resté jusqu'à la fermeture, à jouer au flipper près des toilettes.

Finalement, Jessica est venue nous donner la note, et mon amoureux a payé. "On n'a pas tous les jours 30 ans !". Jessica a écrit "Joyeux anniversaire" sur la facture. Avec un smiley. Je l'ai toujours dans mes papiers. Je l'ai gardée, précautionneusement.

Sur le parking, mon amoureux a ouvert les portières en grand, et a mis très fort une chanson chargée de symboles pour nous. Il m'a fait danser sur le parking, avant de m'offrir mon cadeau. Je planais. Je l'ai pris dans mes bras, puis je me suis mise à tourner sur moi-même dans tous les sens et je me suis arrêtée pour regarder les lumières de l'autoroute et des autres restaurants et hôtels qu'on apercevait. Je me suis dit : "putain, demain j'ai 30 ans". Et j'étais là, à regarder cette autoroute et cette zone industrielle.

 

Le lendemain, jour réel de mes 30 ans, après notre nuit à l'hôtel, on a repris la route et j'ai crié par la fenêtre en direction du Buffalo "Salut Jessica, et merci, mille fois merci Jessica !". Quelques jours plus tard, j'ai envoyé une carte au Buffalo, à l'attention de Jessica. Je voulais qu'elle sache comme sa fraîcheur avait sauvé ma soirée. A quel point son sourire et son humanité avaient été précieux pour moi, à ce moment précis de ma vie.

A quelques heures de rentrer chez moi, alors que nous avions prévu de faire une VRAIE soirée d'anniversaire au restaurant, puisque c'était le jour J, mon amoureux m'a informée qu'il passerait finalement la soirée avec sa fille. Elle lui avait manqué pendant ses vacances alors il préférait la récupérer ce soir plutôt que demain matin. J'ai accepté.

Et si Joker n'avait pas été là, j'aurais passé le soir de mes 30 ans seule, avec une pizza surgelée.

 

 

Hier, j'ai fêté mes 31 ans. Avec mon père, ma mère et ma soeur.
Et mon bébé dans mon ventre.
Il n'y a pas eu de bougie, pas eu de chanson (pourtant j'ai informé la serveuse que c'était mon anniversaire mais elle n'a même pas voulu remplacer ma glace vanille par de la crème anglaise), pas d'applaudissements, pas de chanson qui fait tournoyer sur le parking.
Pas d'amoureux.
Et... pas de larmes. Pas d'interrogations sur ce que je fais de bien ou de mal. Pas de doutes qui pétrifient. Pas de honte. Pas de sentiment de nullité. Pas d'abandon. Pas de larmes.

Hier, malgré tout, j'ai fêté mes 31 ans, sereinement.

Publicité
Publicité
Commentaires
M
T'as envoyé une carte à Jess ?! Je trouve ça trop mignon ! Elle devait être trop heureuse :) IL est joli ton article
Archives
Publicité
Publicité